Vous pensez que la VO2max est secondaire en ultra-trail : vous vous trompez !
Il est souvent cru que le VO2 max n'est pas un facteur déterminant de la performance en ultra-trail. Mais alors, les 92 ml/min/kg de Kilian Jornet ne lui serviraient à rien sur l'UTMB ?
Passage d’Arnaud Lejeune à Notre-Dame de la Gorge lors de l’UTMB 2012. Il terminera 8ème.
Le VO2max (on dit “le VO2max”), ou le volume maximal d’oxygène que notre métabolisme est capable de consommer par minute, est souvent présenté comme un des principaux déterminants de la performance en endurance. Couramment utilisé pour évaluer les capacités aérobies des athlètes, il a démontré son rôle clé dans des disciplines comme la course sur route ou le cyclisme. Pourtant, dans le monde du trail et plus encore de l’ultra-trail, ce paramètre est parfois relégué au second plan.
Avec des distances qui dépassent parfois les 100 kilomètres et des efforts s’étalant sur plusieurs dizaines d’heures, il est parfois cru que le VO2max perd de son importance, remplacé par d’autres facteurs tels que l’endurance musculaire, la gestion de la fatigue ou encore l’alimentation. Mais qu’en est-il réellement ? Alors que de nombreux ultra-traileurs parmi les meilleurs mondiaux affichent des VO2max exceptionnellement élevés, pourquoi ce paramètre est-il si souvent négligé dans l’entraînement des amateurs, voire de certains élites ?
Dans cet article, nous allons explorer le rôle réel du VO2max dans la performance en trail, et plus particulièrement en ultra-trail. Que dit la littérature scientifique ? Quelles sont les spécificités de ce paramètre en fonction des formats de course ? Et surtout, pourquoi le VO2max mérite-t-il une place dans la préparation des traileurs, même pour les formats les plus longs ?
C’est quoi la VO2max ?
Définition et importance en endurance
Le VO2max est une mesure de la capacité d’un individu à utiliser l’oxygène pour produire de l’énergie lors d’un effort aérobie. Il représente le débit maximal d’oxygène que le métabolisme peut transporter et utiliser dans les muscles actifs pendant une activité physique. Ce paramètre est généralement exprimé en millilitres d’oxygène par kilogramme de poids corporel par minute (ml/kg/min).
N.D.L.R : dans le langage courant, on dit “la VO2 max“, mais en réalité c’est un terme masculin. C’est un débit, un volume d’O2 par unité de temps.
En endurance, le VO2max est présenté comme un indicateur clé car il reflète la puissance aérobie d’un athlète. Plus le VO2max est élevé, plus un athlète est capable de soutenir des efforts aérobies intenses sur une durée prolongée. C’est pourquoi il est largement utilisé dans les sports comme le cyclisme, la course sur route ou encore le trail. Dans ces disciplines, un VO2max élevé est souvent synonyme d’une capacité à performer à des allures plus rapides, ou à récupérer rapidement après un effort intense.
Les études scientifiques confirment l’importance du VO2max dans la performance en endurance :
McLaughlin et al. (2010) : VO2max explique jusqu’à 81 % de la performance sur une course de 16 km.
Christou et al. (2021) : VO2max est responsable de plus de 50 % de la performance sur marathon.
Borszcz et al. (2018) : VO2max explique entre 40 % et 80 % de la performance, en cyclisme.
Cependant, il est essentiel de noter qu’il n’est pas le seul déterminant, mais un des déterminants clés. De plus, chez des populations homogènes, comme les athlètes de haut niveau, la variabilité du VO2max est souvent réduite. Cela limite son pouvoir discriminant, car ces athlètes possèdent déjà des valeurs extrêmement élevées.
Grands ultra-traileurs = grands VO2 max ?
En trail et en ultra-trail les grands noms de la discipline affichent des VO2max exceptionnels. Par exemple Kilian Jornet, considéré comme le meilleur ultra-traileur au monde, affiche une VO2max, mesurée à plusieurs reprises en laboratoire, de 92 ml/min/kg, une des plus élevées jamais enregistrées chez un athlète d’endurance. De son côté, Xavier Thévenard, triple vainqueur de l’UTMB, affiche une VO2max de 80 ml/min/kg.
Mais alors, si ces valeurs sont si élevées chez les meilleurs ultra-traileurs, comment expliquer que le VO2max soit souvent considéré comme secondaire dans cette discipline ?
VO2max, pilier de la performance en trail court
Dans les formats de trail court, où les distances sont généralement inférieures à 30 kilomètres, les allures soutenues et les variations d’intensité exigent une puissance aérobie élevée. Le VO2max devient donc un facteur déterminant. Les données disponibles montrent que des athlètes ayant un VO2max élevé sont capables de maintenir de hautes vitesses sur de longues périodes, mais aussi de récupérer rapidement dans les phases de transition, comme les descentes ou les sections plates.
Plusieurs études ont mis en lumière cette relation forte entre VO2max et performance en trail court. Ehrström et al., 2018 ont montré que le VO2max expliquait 60 % de la performance sur ce format, avec des corrélations statistiquement significatives. Ces résultats ont été confirmés par Alvero-Cruz et al., 2019, qui, en utilisant des méthodologies similaires, ont obtenu des valeurs identiques.
De leur côté, Scheer et al., 2018 ont également analysé les déterminants de la performance en trail court (30 km) et trouvé une contribution du VO2max à la performance dans des proportions comparables. Plus récemment, en 2022, Sabater-Pastor et al. ont étudié les facteurs physiologiques associés à la performance sur des distances courtes, longues et ultra. Pour le trail court, ils ont mesuré une corrélation de 0,86 (1 étant la corrélation maximale), soit plus de 70 % de la performance attribuable au VO2max.
Résultats de Sabater-Pastor et al., 2022
Si ces pourcentages sont à prendre avec prudence, car d’autres facteurs corrélés à VO2max peuvent diminuer ces valeurs une fois considérés ensemble, il est évident que le VO2max joue un rôle prépondérant sur les formats courts. Qu’en est-il en ultra-trail ?
VO2max et ultra-trail : un rôle toujours significatif
L’ultra-trail, avec ses efforts prolongés, impose des exigences physiologiques complexes qui vont au-delà des formats courts. Si la gestion de l’énergie, la stratégie nutritionnelle et la résistance mentale sont souvent mises en avant, le VO2max demeure un facteur crucial, comme le confirment de nombreuses études récentes.
Contrairement à certaines idées reçues, le VO2max reste fortement corrélé à la performance en ultra-trail. Par exemple, lors de la CCC (Courmayeur-Champex-Chamonix, 100 km), une épreuve aux portes de l’ultra-trail, Sabater-Pastor et al., 2022 ont montré que le VO2max expliquait environ 80 % de la performance lorsqu’il était considéré isolément, un résultat comparable à celui observé en trail court.
En 2023, cette même équipe a publié une étude sur les facteurs prédictifs de la performance durant l’UTMB 2009. Les résultats ont révélé une corrélation significative et forte (.72, le maximum étant 1) entre la performance et le VO2max. Lorsque le VO2max était combiné au coût énergétique de la course (économie de course), le modèle prédisait encore 62 % de la variabilité de la performance. Ces résultats soulignent l’importance du VO2max, tout en illustrant le rôle complémentaire d’autres paramètres.
Résultats de Sabater-Pastor et al., 2023
Une corrélation en baisse, mais toujours présente
Il est vrai que la corrélation entre le VO2max et la performance en ultra-trail est généralement inférieure à celle observée sur des formats courts. Cependant, le rôle du VO2max reste loin d’être négligeable. Ces observations montrent que, bien qu’il ne soit pas le seul déterminant de la performance en ultra-trail, le VO2max demeure un pilier central de la préparation en ultra-trail. Sa contribution, bien que partielle, reste considérable et justifie de lui accorder une place significative dans l’entraînement des ultra-traileurs.
François d’Haene et Mike Wolfe lors du 80km du MontBlanc 2014, après le barrage d’Emosson.
Conclusion
Le VO2max, parfois négligé dans le monde du trail, reste un paramètre clé de la performance en endurance. En trail court, il explique une grande part des résultats. En ultra-trail, bien que d’autres facteurs comme l’économie de course ou la gestion de l’énergie gagnent en importance, le VO2max conserve un rôle central, justifiant sa place dans l’entraînement des traileurs, quelle que soit la distance.
À retenir
Le VO2max est fortement corrélé à la performance en trail, expliquant jusqu’à 60% de la performance en ultra-trail et 80% en trail court.
L’importance du VO2max diminue à mesure que la distance de course augmente, mais reste un facteur déterminant, même en ultra-trail.
Travailler le VO2max est indispensable, même pour les ultra-traileurs, si l’objectif est l’amélioration des performances.
Références bibliographiques
Alvero-Cruz, J., Mathias, V., Romero, J., De Albornoz-Gil, C., Benítez-Porres, J., Ordoñez, F., Rosemann, T., Nikolaidis, P., & Knechtle, B. (2019). Prediction of performance in a short trail running race: The role of body composition. Frontiers in Physiology, 10.
Christou, G., Pagourelias, E., Deligiannis, A., & Kouidi, E. (2021). Exploring the physiological determinants of marathon performance. European Journal of Preventive Cardiology, 28.
Ehrström, S., Tartaruga, M. P., Easthope, C. S., Brisswalter, J., Morin, J. B., & Vercruyssen, F. (2018). Short trail running race: Beyond the classic model for endurance running performance. Frontiers in Physiology, 50(3), 580-588.
McLaughlin, J., Howley, E., Bassett, D., Thompson, D., & Fitzhugh, E. (2010). Test of the classic model for predicting endurance running performance. Medicine and Science in Sports and Exercise, 42(5), 991-997.
Röthlin, P., Wyler, M., Müller, B., Zenger, N., Kellenberger, K., Wehrlin, J., Birrer, D., Lorenzetti, S., & Trösch, S. (2021). Body and mind? Exploring physiological and psychological factors to explain endurance performance in cycling. European Journal of Sport Science, 23, 101-108.
Sabater-Pastor, F., Besson, T., Varesco, G., Parent, A., Fanget, M., Koral, J., & Millet, G. Y. (2022). Performance determinants in trail-running races of different distances. International Journal of Sports Physiology and Performance, 17(6), 844-851.
Sabater-Pastor, F., Tomazin, K., Millet, G. P., Verney, J., Féasson, L., & Millet, G. Y. (2023). VO2max and velocity at VO2max play a role in ultradistance trail-running performance. International Journal of Sports Physiology and Performance, 18(3), 300-305.
Scheer, V., Janssen, T., Vieluf, S., & Heitkamp, H. (2018). Predicting trail running performance with laboratory exercise tests and field-based results. International Journal of Sports Physiology and Performance, 1-13.